Edito
Edito

Edito

Le monde nous bouscule. Le confinement a surgi pour interroger nos angoisses de captivité et d’isolement. La science en étudie d’ailleurs les effets sur le cerveau humain.

Pendant ce temps, les réseaux sociaux propulsent les Français dans l’espace avec Thomas Pesquet, donnant à découvrir l’univers clos d’une station orbitale. Voilà encore qui questionne : combien de temps peut-on rester enfermé sans pouvoir sortir ? Comment supporter la promiscuité? Habitué à la vie sur terre, peut-on travailler et évoluer dans un autre milieu ? Serait-ce un moyen de se soustraire au monde et à ses vicissitudes ? 

Les aquanautes eux-aussi pourraient répondre à ces interrogations profondes qu’ils ont eu l’occasion de sonder.

Héros oubliés d’une aventure du XXème siècle, ces scaphandriers ont fait les grandes heures de la COMEX et de sa conquête des profondeurs.

C’est aussi l’aventure d’un marseillais qui a laissé son nom dans l’histoire de la plongée.

Scaphandrier, Théo a passé plus de 5 ans de sa vie en saturation

Du pétrole dans les veines

Scaphandrier, plongeur-soudeur, Théo Mavrostomos a passé au total plus de 2000 jours en caisson hyperbare, soit plus de 5 ans de sa vie en saturation.

Il faut l’imaginer, confiné à 4 jours de la surface, captif d’une autre dimension, sortant travailler dans une eau à 4 degrés pour effectuer, des heures durant, des travaux à de grandes profondeurs.

Descendant et héritier des «plongeurs d’éponge» d’une île grecque, l’enfant de Kalymnos est devenu un beau jour «l’homme le plus profond du monde ».

C’est dans les années 70, que Théo entame une carrière de scaphandrier à la COMEX et rejoint l’élite des plongeurs en saturation les plus performants de la planète. Ouvriers dévoués d’une industrie pétrolière assoiffée de profit qui domine alors l’économie mondiale.

C’est alors un enjeu commercial majeur : il faut accélérer la cadence des chantiers

Pour que le pétrole coule à flot, les compagnies se livrent à une course contre la montre et des hommes se relaient nuit et jour au fond de l’eau dans l’ombre des plateformes de forage, au péril de leur vie, pour assembler des pipelines.

A cette époque, l’entreprise marseillaise COMEX, sous la houlette de son patron Henri-Germain Delauze, multiplie les expérimentations pour faire descendre ses plongeurs toujours plus profond et plus longtemps dans le secret des mers du monde.

C’est un enjeu commercial majeur : il faut accélérer la cadence de chantiers qui se chiffrent en milliards, faire gagner du temps à une exploitation pétrolière dévorante et insatiable.

C’est aussi un défi technologique : pour survivre à une pression 30 fois supérieure à la surface, les scaphandriers doivent respirer un mélange gazeux dont la COMEX, prise au jeu d’une compétition mondiale, cherche sans cesse à améliorer la formule.

Les 30 ans d’un record

En novembre 1992, au centre d’essais hyperbares de la Comex, Théo Mavrostomos prend part à  une mission unique au monde baptisée Hydra 10.

Avec deux autres plongeurs aguerris, il embarque à bord d’un caisson pour une plongée simulée. Une sorte de mission 700 mètres, peut-être impossible.  

Il ira finalement chercher seul ce record mondial, sous le regard des équipes scientifiques qui suivent l’expérience. Le scaphandrier marseillais pulvérise le record de profondeur détenu par les Américains depuis 1981.

Victoire pour la Comex : grâce à son Hydréliox, savant mélange d’oxygène, d’hélium et d’hydrogène, un humain peut désormais atteindre des profondeurs insondées et y séjourner.

Trente ans plus tard, ce record demeure inégalé.

Théo Mavrostomos, un héros de son temps

S’installer au fond de l’eau, y travailler en saturation 28 jours durant : c’était la vie de Théo et celle des autres plongeurs industriels de sa génération.

30 ans plus tard, à 68 ans, il continue de former des professionnels du monde entier sur le site de l’INPP à la Pointe-Rouge à Marseille. Des « scaph » qui assemblent toujours des « pipes », là où les robots n’arrivent pas encore à remplacer la main de l’homme.

Parce que son record du monde n’est pas une simple médaille pendue à son cou, il a traversé son époque dans l’action jusqu’à inscrire, encore aujourd’hui, son nom dans l’actualité.

En mettant son savoir-faire et son équipe au service de la découverte des fonds marins, il a permis à Laurent Ballesta d’accomplir avec succès une première mondiale en 2019 : ses deux dernières expéditions Gombessa 5 et 6 ont pu voir le jour grâce aux moyens de la plongée en saturation.

Le temps est venu pour Théo de raconter son histoire et ses secrets bien gardés au fond des océans.

En 1992, le plongeur marseillais pulvérise le record mondial de profondeur