Lettre ouverte
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A jamais le premier

Si, le matin du 19 novembre 1992, la compression n’avait pas été arrêtée à la profondeur de 675 mètres et nos trois scaphandriers « remontés » à 650 mètres, deux d’entre eux, épuisés par cet environnement extrême, auraient souffert d’une intense et incontrôlable aggravation de leur état général. Alors, l’excursion à une profondeur de 701 mètres n’aurait jamais pu avoir lieu.


C’est l’intelligence, la lucidité et le professionnalisme de Théo qui furent déterminants

Jean-Yves Massimelli

Dès le  début de la préparation d’Hydra 10, chaque jour et plusieurs fois par jour, je collectais et intégrais les données cliniques. Ce matin là , j’avais demandé la tenue d’une réunion de notre équipe afin de présenter mes observations et mon diagnostic. J’expliquai pourquoi, nous devions commencer la décompression de nos trois plongeurs et ne surtout pas tenter de les amener plus profond que ces 675 mètres.



Tenir compte du tableau clinique

Ensuite, à la fin de ma présentation, seul le Dr. Xavier Fructus insista sur l’urgence, s’adressant directement à Henri-Germain Delauze, fondateur et président de la Comex. Il le fit en des termes brillants dont je me souviens comme étant de cette teneur :
« Mon cher, tu sais bien nous ne sommes pas face à une situation comparable à celle d’alpinistes qui, se sentant épuisés à quelques mètres du sommet, savent qu’ils récupéreront leur forces aussitôt qu’ils auront commencé à rebrousser chemin. Nous devons tenir compte du tableau clinique qui nous a été présenté et de ses causes. Il nous faut ramener nos plongeurs.». 

Je n’étais alors qu’un jeune médecin avec peu d’expérience. Le Dr Xavier Fructus était la référence incontestable. Il fut donc écouté, et le président Henri-Germain Delauze prit la décision de commencer la décompression.

Une motivation lucide

Ensuite, c’est l’intelligence, la lucidité et le professionnalisme de Théo qui furent déterminants .Il comprit immédiatement la justification et l’urgence de cette décompression. Solidaire et faisant preuve de cet esprit d’équipe dont il a été le champion au cours de toute sa carrière, Théo intégra la décision. En maîtrisant sa frustration de voir son objectif s’éloigner, il aida ainsi ses coéquipiers à récupérer leurs forces. Puis, au cours des heures suivantes, par son comportement adapté à ce contexte de crise, par la qualité de ses réponses lors des entretiens médicaux, par la cohérence de ses conversations avec le président Delauze, et par sa motivation lucide, Théo démontra que la Comex pouvait désormais atteindre son objectif des 701 mètres de profondeur, parce que lui en était capable.


Il ne s’agissait pas d’une plongée simulée. Ce record de profondeur est bien réel

Jean-Yves Massimelli

Ainsi, à Marseille, le 20 novembre 1992, Théo Mavrostomos, l’expert, professionnel humble et solidaire, devint  à jamais le premier

Il ne s’agissait pas d’une plongée simulée. Ce record de profondeur est bien réel: Théo travaillait et son chantier était sous 701 mètres d’eau de mer, soit un peu plus de 71 bars, de pression ambiante. 

Jean-Yves Massimelli, Médecin d’Hydra 10